"L’hôtel était quasiment vide la plupart du temps, c’était inévitable": un 4-étoiles de Cagnes-sur-Mer en redressement judiciaire

Tutoyer Renoir et son domaine depuis un balcon d’hôtel avait de quoi séduire. La vue sur le château Grimaldi et son vieux bourg provençal offraient aussi de beaux arguments. Mais l’écrin ne fait pas tout, et l’hôtel Indigo en fait aujourd’hui les frais.
Le 4-étoiles implanté au centre-ville de Cagnes-sur-Mer est en redressement judiciaire depuis mars, seulement trois ans après son ouverture.
Concrètement, l’établissement ne peut plus payer ses dettes mais peut encore être sauvé [la situation peut durer jusqu’à 18 mois; après quoi, les finances devront être stabilisées].
Un administrateur judiciaire est nommé pour aider à gérer l’entreprise et les créances sont gelées.
Le complexe hôtelier reste donc ouvert avec ses 87 chambres, dont sept suites luxueuses, et son restaurant bistronomique italien, Cucina Victoria.
Mais ce standing suffira-t-il à se remettre d’aplomb? L’offre est-elle adaptée à la cinquième ville du département?
Faisant face à des barres d’immeubles, l’hôtel peut-il rivaliser avec ses voisins s’ouvrant sur la Méditerranée? Que va-t-il falloir changer dans la formule? L’exploitant, le groupe Réaumur, n’a pas souhaité répondre.
Des commerçants "malheureusement pas étonnés"Du côté des commerçants du Béal, le fatalisme l’emporte. "L’hôtel était quasiment vide la plupart du temps, c’était inévitable", assurent unanimement les professionnels rencontrés.
"Quand les hôtels niçois sont pleins, en haute saison, les gens semblent se rabattre sur Cagnes. Car c’est la seule période où il y a significativement du monde à Indigo", fait remarquer Thierry Nicolle, boulanger installé dans le quartier depuis 2010.
Amer, il se rappelle des promesses du promoteur et de la mairie: "C’était censé faire une plus-value pour tout le quartier, attirer une clientèle de marque. Je dois avoir une dizaine de clients au maximum. On a attendu tellement longtemps l’ouverture. Plus de dix ans pour ça!", s’étrangle-t-il.
Même constat du côté de Tignasse coiffure, où la directrice Sabine Vincent regrette de ne pas avoir eu plus de retombées économiques. "Les gens avaient l’air satisfait de l’établissement. Mais ils se faisaient rares."
Seul Sacha Coppini et son bar restaurant Le Printemps ont directement profité du prestigieux vis-à-vis. "Au lieu de manger au restaurant de l’hôtel, pas mal de monde préférait venir chez moi. L’été, ça nous fait de belles tablées. Ça serait bien que leur affaire reparte."
Le bâtiment de 4.000 m2 aux accents design est longtemps resté une vaste coquille vide. Dès la genèse du projet, rien n’a été simple. Après le dépôt du permis de construire, en 2012, il faudra attendre 2015 pour que le chantier débute.
Mais l’ouvrage livré, en 2018, aucun gestionnaire ne se presse au portillon. Ce n’est qu’en 2021 que le groupe Réaumur devient exploitant. Pourquoi un tel délai pour investir les murs? Par frilosité face à l’emplacement en plein centre-ville?
Premier à avoir annoncé sur Facebook le placement en redressement judiciaire d’Indigo, le conseiller municipal d’opposition (sans étiquette) Philippe Touzeau-Menoni lâche la bride.
"Depuis le début, je suis resté prudent face à l’optimisme débordant du maire, Louis Nègre. Entre Cannes et Nice, où les hôtels de luxe absorbent tout le marché, nous n’avons pas l’attractivité nécessaire. C’était prétentieux de prétendre le contraire. J’espère que nous pourrons à terme, récupérer le bâtiment et en faire une mairie centrale accessible aux PMR, avec des places de stationnement pour le personnel et les Cagnois."
Contactée, la municipalité n’a pas souhaité réagir.
Var-Matin